Conférences filmées lors de la 4ème journée condorcet

Lors de la 4ème journée Condorcet consacrée à la laïcité, les conférences ont pu être filmées et publiées sur la chaîne YouTube de la Faculté des Sciences.

Michel Miaille, juriste, professeur émérite à l’Université de Montpellier.
Titre : La laïcité en France : voix/voie de la Liberté ? vidéo ici
La laïcité en France est intimement liée à l’idée de Liberté : c’est une voix qui s’instaure
dans le débat , même avant le régime de laïcité du début du 20e siècle. Mais cette idée peut
être défendue de différentes manières et la voie qui a été choisie en 1905 est une option
particulière. Or à la fin du 20e siècle et au début de ce siècle, réapparaît le débat sur la Liberté
et ses limites et les premiers éléments de droit qui ont été adoptés, montrent qu’une nouvelle voie s’ouvre à cet égard.

Faouzia Charfi, physicienne, professeur émérite à l’Université de Tunis, ancienne secrétaire d’état à l’enseignement supérieur et à la recherche du 17 janvier 2011 au 2 mars 2011.
Titre : L’islam dans les sociétés contemporaines : la laïcité impossible ? vidéo ici
La question de l’islam et de la laïcité a été posée au 19e siècle, siècle de la Renaissance
musulmane. Elle fut au cœur du débat entre les deux réformistes arabes, Mohamed Abdou et Farah Antun. Si Antun veut appeler les pays arabes à s’ouvrir au monde moderne et à lancer le débat sur les réformes à mener pour un état séculier, respectant l’égalité entre musulmans et chrétiens, Abdou plaide pour une voie médiane, celle de l’association et non de la séparation entre le politique et le religieux. Le point de vue d’Abdou est largement partagé aujourd’hui par les sociétés musulmanes. Il n’y a pourtant aucune raison de croire que le califat puisse être considéré comme l’un des dogmes religieux, c’est ce que démontre Ali Abderraziq dans
son ouvrage L’islam et les fondements du pouvoir publié en 1925, après l’abolition de califat par Atatürk. Ce penseur égyptien, formé à l’Université d’al-Azhar, remet en cause le concept de califat sur la base d’une analyse, claire et sans ambigüité, des rapports entre l’islam et la politique et d’arguments déroulés de manière scientifique. Ce travail montre qu’il est possible de défendre la laïcité de l’intérieur des pays d’islam et souligne à quel point il est important de sortir de l’ombre de cette pensée critique face à l’obscurantisme.

Djemila Benhabib, physicienne, politologue et écrivaine, actuellement chargée de mission au Centre d’Action Laïque (Belgique)
Titre : Accepter l’intolérance au nom de la tolérance vidéo ici
J’ai quitté l’Algérie en 1994 condamnée à mort par le Front islamique du djihad armé (FIDA). À cette époque-là, la mort rôdait autour de nous. Les démocrates se battaient pour leur survie et celle de leur pays. Si mon vécu en Algérie m’a permis de saisir quels sont les mécanismes par lesquels une tyrannie politico-religieuse s’impose à chacune et chacun au nom d’une interprétation rigoriste de l’islam, ma vie européenne et canadienne m’a ouvert les yeux sur un tout autre phénomène : la propension des États anglo-saxons à tolérer l’intolérance dès lors que cette dernière revêt un habillage religieux ; surtout lorsque l’habillage en question est le fait d’une minorité. Ce simple statut de « minoritaire » est devenu un puissant levier pour faire valoir le droit à la différence et faire reconnaître la différence des droits. Au Canada, la liberté de religion s’est transformée en un droit de religion puis a muté en un droit à l’intégrisme religieux. Jusqu’où ira-t-on dans nos compromissions face à ce qu’on pourrait,
désormais, appeler la concurrence identitaire et victimaire ? À l’évidence, nul ne peut anticiper l’issue de cette confrontation politique et idéologique. L’individu des Lumières est un géant qui doit poursuivre son chemin vers la liberté coûte que coûte.

Catherine Kintzler, philosophe, professeur émérite à l’Université de Lille.
Titre : Une école laïque doit-elle « former » des citoyens et inculquer

des « valeurs » ? vidéo ici
Condorcet a consacré une partie de son Premier Mémoire sur l’instruction publique (1791) à exposer les motifs pour lesquels « L’éducation publique doit se borner à l’instruction ». Il craint particulièrement l’installation d’un « corps de doctrine » officiel, et même d’une sorte de « religion politique ». De manière significative, il relie ces motifs à la séparation entre l’enseignement de la morale et celui de toute religion. S’agissant de ce que nous appellerions aujourd’hui l’enseignement moral et civique, une conséquence est que « Le but de l’instruction n’est pas de faire admirer aux hommes une législation toute faite, mais de les rendre capables de l’apprécier et
de la corriger ».
En cela, Condorcet s’oppose à maint projet d’éducation nationale, et il y revient avec force dans les notes de la 2e édition (1793) de son Rapport et projet de décret sur l’organisation générale de l’instruction publique. On évoquera quelques-uns de ses arguments. On s’interrogera sur leur actualité s’agissant de missions aujourd’hui assignées à l’école publique. Que signifie « faire partager les valeurs de la République » ? Et si à la « formation » du citoyen on doit préférer son institution, celle-ci a-t-elle besoin des humanités?