Programme 5ème journée Condorcet

5ème Journée Condorcet : Grothendieck et l’écologie radicale

Les amis de la vérité sont ceux qui la cherchent et non ceux qui se vantent de l’avoir trouvée. Condorcet

Craindre l’erreur et craindre la vérité est une seule et même chose.
Celui qui craint de se tromper est impuissant à découvrir.
Grothendieck

Mardi 5 novembre 2024 Amphi 36.01

9h Accueil et Ouverture

9h45: Céline Pessis

Titre : A. Grothendieck et les scientifiques en rébellion des années 68 à aujourd’hui

Résumé : Les sciences contribuent-elles d’abord au bien-être de l’humanité ou à la course aux armements ? Quel est le rôle des technologies dans la crise écologique ? La recherche scientifique est-elle neutre et doit-elle être poursuivie à tout prix ? De telles questions sont à l’origine de l’engagement écologiste d’Alexandre Grothendieck au début des années 1970, et depuis d’une diversité d’ingénieurs et de scientifiques qui bifurquent ou désertent. Cette communication interrogera les résonances entre l’expérience « Survivre et vivre » autour de Grothendieck et les multiples dissidences actuelles, tel le mouvement Scientifiques en rébellion. Elle se demandera comment, par-delà les trajectoires individuelles, faire émerger des formes collectives de résistance et d’existence durable.

11h30: Pierre-Henri Gouyon

Titre : Doute et rationalité : pourquoi la biodiversité s’effondre-t-elle ?

Résumé : Depuis quelques dizaines d’années, le vivant subit un effondrement fulgurant. Sentinelles de ce phénomène, les abeilles voient leurs colonies s’effondrer depuis les mêmes périodes. Les scientifiques attribuent ces phénomènes à des causes multifactorielles. L’IPBES (plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques, équivalent du GIEC pour la biodiversité) en liste 5 majeures : le changement d’usage des terres, la surexploitation des ressources naturelles, la pollution, le changement climatique et les espèces invasives. 

Cette insistance sur l’aspect multifactoriel permet de ne pas voir la raison principale. Les scientifiques sont-ils complices ou victimes de leurs accointances avec les industries responsables ? Faudrait-il, comme l’a fait Grothendieck, rompre les liens avec ces financeurs ?

13h: Pause Repas

15h: Joëlle Le Marec et Igor Babou

Titre : Ce que la critique des sciences et l’écologie radicale font aux chercheurs et chercheuses

Résumé : Nous explorerons la synergie entre écologie radicale et critique des sciences. En revisitant un travail démarré il y a bien longtemps sur les revues militantes des années 70, nous prolongeons par une réflexion sur des manières d’envisager des alliances avec des collectifs en lutte, ou en résistance au sein d’institutions du savoir.

Nous voudrions discuter, à partir de nos trajectoires et de nos pratiques, la séparation entre espace de production académique et implications dans des lieux où la réflexion et l’action sont parfois très conséquentes, comme dans le cas d’un squat écologiste étudié et pratiqué par l’un de nous. Ce sont les exigences universitaires et la radicalisation managériale et gestionnaire qui continuent de trancher dans le vif de nos existences et de faire en sorte que quantité de réseaux, d’actions, d’expressions, sont considérés – y compris entre collègues et étudiants -, comme des engagements en dehors du métier d’enseignants-chercheurs, alors que le mouvement de la critique de science invitait à rapatrier cette critique au cœur des instituions de production des savoirs. Mais c’est aussi le contexte politique et écologique contemporain qui nous impose, par réaction, d’identifier et de protéger des savoirs, des sociabilités, des terrains, et des réflexions qui se situent aux marges de ces institutions. Ce mouvement symétrique de critique interne des institutions du savoir et de sortie du cadre en direction de marges d’autonomie est inconfortable, mais nous semble important pour perpétuer les apports de la critique des sciences de l’époque de Grothendieck.

16h45: Nicolas Bouleau

Titre : Scientisme et environnement : l’opportunisme stratifié.

Résumé : Mon propos partira de l’intervention de Grothendieck au Cern. D’abord en essayant de mieux comprendre pourquoi ce petit groupe de mathématiciens ose parler avec tant d’assurance dans un contexte politique imbibé et presque saturé de marxisme. Qu’ils soient mathématiciens a son importance. Puis pour tenter une actualisation de ces critiques, je décrirai un schème à plusieurs niveaux du capitalisme contemporain que j’appelle l’opportunisme stratifié. C’est à mes yeux une extension fondamentale de la «new production of knowledge» des années 1990 (Gibbons). Elle est fondée sur des méthodes indirectes et empêche pratiquement toute politique scientifique autre que celle valorisée par le marché. C’est à mes yeux un des principaux obstacles à une gouvernance collective prudente et humaniste réclamée par Rachel Carson, Barry Commoner, Hans Jonas, Dennis Meadows, Tim Jackson, Francis Fukuyama (Our posthuman Future), Karl Jaspers, et bien d’autres.